Wikipédia : quel modèle économique ? quel avenir ?

Cette semaine, j’étais aux RUSSTIC (Rencontres universitaires autour des sujets sociétaux concernant les TIC) qui se tenaient à Grenoble. Intervenaient notamment Richard Collin, directeur de l’Institut de l’entreprise 2.0, et Florence Devouard, ancienne présidente et membre toujours active de la fondation Wikimedia France.

Le thème de la conférence : « L’économie numérique, de quoi parle-t-on ? quels modèles économiques ? »

J’en ai su un peu plus donc sur le modèle économique de Wikipédia, son fonctionnement et son devenir.

J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur mes réticences envers Wikipédia. Encore une fois, je rappelle que je ne rejette pas cette encyclopédie collaborative, je trouve même son principe louable. C’est son fonctionnement que je critique, la non hiérarchie des sujets traités et l’absence a priori de vérification par un comité d’experts, Wikipédia comptant sur la sagesse ou la connaissance de la foule pour corriger les erreurs.

Ceci dit, je suis toujours curieuse d’en savoir davantage sur son fonctionnement.

A mon grand étonnement, Wikipédia est financé à 95 % par les dons : les 2/3 de ces dons proviennent de particuliers, le tiers restant, des entreprises (surtout américaines) qui veulent améliorer leur image.

– le reste du financement se répartit entre

l’achat de l’usage du logo, de la marque. Un exemple : A Noël, SFR a lancé une pub pour ses forfaits à destination des jeunes. Cette pub représentait un arbre de Noël et chaque boule reprenait un logo, Youtube, MySpace… et Wikipédia donc.

et les clients qui reprennent sur leur site les articles de Wikipédia. Si j’ai bien tout compris, chacun est libre de reprendre n’importe quel article de Wikipédia sans payer de droit d’auteur puisque Wikipédia est basé sur le logiciel libre. Le problème c’est que Wikipédia a été par exemple confrontré à un site israélien (je n’ai pas retenu le nom, mais c’est une sorte d’agrégateur) qui puisait en permanence dans l’encyclopédie collaborative afin de toujours afficher les dernières mises à jour. Pour fonctionner, ce site utilisait beaucoup de bande passante et cela a fini par coûter cher à Wikipédia qui a du prendre des dispositions. C’est donc plus une question de technique que de droits d’auteurs.

Wikipédia, c’est seulement 25 salariés (des administratifs) dans le monde… et une armée de bénévoles pour faire tourner la machine (je ne parle pas des internautes contributeurs, mais des membres des différentes associations – type Wikimédia France – qui veille, s’occupe des aspects juridiques, de l’établissement des règles de fonctionnement, etc).

Une chose que j’ignorais c’est que, à partir d’un socle de règles communes, chaque pays est libre d’imposer ses popres règles de fonctionnement et de refuser la publication d’articles sur tel ou tel thème. En France, on est relativement libre : en dehors de la pédo-pornographie, on peut traiter de toute question politique ou de société et publier par exemple la recette d’un gâteau au haschich sans être banni de WP.

Wikipedia a un budget de fonctionnement de 8 millions de dollars.

Par ailleurs, soyons rassurés, il existe bel et bien une brigade de surveillance pour les sujets chauds, type les sectes.

Enfin, il semble, selon Florence Devouard, que Wikipédia est arrivé aujourd’hui à un tournant. Le nombre de nouveaux contributeurs est en très net ralentissement. La plupart des sujets génériques et grand public font déjà l’objet d’un article. Il n’y a donc plus trop de nouveaux articles. Les contributions portent maintenant sur leurs mises à jour. Reste à écrire des articles sur des thèmes plus techniques, des sujets d’expertise.

Le modèle Wikipédia a-t-il atteint son apogée ? Quel est la limite du système ?

Les internautes seront-ils toujours aussi motivés pour contribuer à une simple mise à jour de ce qui a déjà été écrit ? Les experts accepteront-ils de prendre la relève ? Autrement dit, Wikipédia peut-elle être une encyclopédie sans fin et reposer sur un modèle économique durable ?

Une chose est sûre : « Même si Wikipédia doit s’arrêter un jour, il reste la somme de tout ce qui a été écrit jusqu’à présent et qui restera librement consultable », affirme Florence Devouard.

Wikimini, l’encyclopédie en ligne pédagogique

Après Wikipédia, voici Wikimini, sa petite soeur. Depuis le 1er octobre, les enfants ont eux aussi leur encyclopédie en ligne.

Wikimini  été créée par un Suisse, Laurent Jauquier, enseignant de formation qui s’intéresse à l’utilisation des TIC.

Vous connaissez mes réserves sur Wikipédia. Or Wikimini est basée sur le même principe : chaque enfant peut contribuer en écrivant des articles sur les thèmes de son choix. Il est invité bien sûr à compléter, corriger, critiquer les articles de ses petits camarades.

Bien que copié sur le modèle de Wikipédia quant à son fonctionnement (d’après ce que j’en ai lu ,il n’y a pas de vérificateur officiel sur ce que peuvent écrire les enfants), la différence majeure avec Wikipédia est que Wikimini se veut un projet pédagogique.

Laurent Jauquier invite ainsi les instituteurs à utiliser Wikimini dans leur enseignement. Et là je dis : bravo ! Au fond, quoi de mieux pour apprendre que de participer soit même. De plus, cela est très valorisant pour l’élève de partager ses connaissances avec… le reste du monde ! Et puis surtout, en étant encadré par des adultes (parents ou professeurs), l’enfant peut apprendre à utiliser Internet de façon intelligente :

– apprendre à excercer son oeil critique sur les articles produits par les autres,

– participer à un projet collectif et donc apprendre à respecter les connaissances et points de vue de chacun,  

– enrichir ses connaissances en les vérifiant auprès des plus grands et en recoupant avec d’autres sources d’information qu’il peut trouver sur le net et ailleurs…

Les adultes sont bien sûr invités à venir corriger les articles (fautes d’orthographes ou informations erronées).

Pour moi, Wikimini est donc un beau projet s’il est utilisé encore une fois dans un cadre pédagogique. Une façon pour les enfants de faire leurs premiers pas sur Internet en apprenant à utiliser ce formidable outil avec toutes les richesses et les limites qui le constituent.

Reste à voir bien sûr ce que va devenir Wikimini en grandissant. Pour l’instant, il est un peu tôt par exemple pour savoir quel type de sujets vont avoir la préférence des apprentis internautes. Et puis, reste la question de la hiérarchie des articles, l’une des principales critiques que je formule vis-à-vis de Wikipedia. Je crains que le problème soit identique avec Wikimini…

Rendez-vous donc dans quelques mois pour recueillir l’avis des enseignants, des parents et des wikiminautes.

En attendant, bonne chance à Wikimini !

Wikipédia, fiable… ou pas ?

Wikipédia fiable ou pas ? C’est la question que posait PCInpact dans un sondage du 5 août dernier et… ouf ! on est rassuré : 68 % trouve Wikipédia « Fiable oui, mais je reste assez vigilant malgré tout » et encore 12% environ ne s’en servent pas pour du sérieux ou s’en méfient ou ne le trouvent pas fiable du tout.

Je suis donc rassurée, oui et non. Déjà cela veut dire que 68% jugent donc l’encyclopédie en ligne fiable même s’ils demeurent critiques. Mais les chiffres montrent tout de même que près de 20% des utilisateurs lui font totalement confiance (10,6%) ou alors pensent que la fiabilité n’a aucune importance (8,5%). C’est tout simplement… terrifiant !

Je fais partie de ceux qui sont assez méfiants vis-à-vis de Wikipedia. Je ne dirais pas que je ne l’utilise jamais, mais franchement très rarement et, dans ce cas, elle n’est qu’une source d’information parmi d’autres.

Attention, je ne rejette pas un tel projet. Dans l’absolu, c’est même un très beau projet, très ambitieux. Ce que je remets en cause, c’est son mode de fonctionnement.

Wikipédia, le règne de l’auto-contrôle

L’idée de départ est très belle bien que totalement utopique : chacun détient une partie du savoir alors pourquoi ne pas en faire profiter la terre entière en le partageant en ligne.

Ce que je reproche à ce système, c’est l’absence de contrôle d’experts. On me répondra que Wikipédia s’auto-contrôle, que ce sont les internautes eux-mêmes qui régulent les articles, les modifient, corrigent les erreurs. Soit, mais pourquoi ne pas faire superviser tout cela par des experts sélectionnés. Il ne s’agit pas de créer une comité de censure, de réprobation qui interviendrait sans cesse pour donner sa vérité des faits. Mais au moins avoir le regard d’un spécialiste du sujet pour valider les articles avant leur première publication et suivre les modfications ultérieures. Cela crédibiliserait Wikipedia et lui donnerait à mon sens infiniment plus de valeur.

Et si les experts ne peuvent pas tout contrôler, au moins faudrait-il créer une sorte de label « lu et approuvé » pour les articles qui ont pu être revu par ce comité.

J’ai cru comprendre (information non vérifiée) que Wikipédia réfléchissait à une formule de contrôle après plusieurs actes de vandalisme sur son site. Ce serait une sage décision.

Wikipedia est une source formidable d’information à une condition : ne jamais croire ce qui est écrit.

Elle constitue un point de départ pour aller chercher ailleurs et vérifier l’information auprès de sources plus fiables. Wikipedia est en cela formidable qu’elle aiguise notre esprit critique : ne croyez-pas ce que vous lisez (ne croyez donc pas cet article non plus ;) ), mais vérifiez, vérifiez toujours.

Pour ceux qui se pose des questions sur Wikipedia et qui doutent de sa fiabilité, je vous conseille l’excellent blog d’Alithia : L’observatoire de Wikipedia.

Qui consultera la version papier de Wikipédia ?

Qui a dit que le papier était mort ? Wikipédia, la célèbre encyclopédie en ligne, s’apprête à sortir en septembre, en Allemagne, une version papier en collaboration avec l’éditeur Bertelsmann.

Pour répondre au principe de l’encyclopédie collaborative (chaque article peut être corrigé et modifié), c’est ainsi pas moins de 90 000 auteurs qui devrait être présents dans la version papier. Dans ces conditions, quid des droits d’auteurs ? Si tous les contributeurs seront effectivement mentionnés, ils ne doivent pas s’attendre à faire fortune grâce à Wikipedia. Mais l’objet n’est pas ici.

Que penser d’une version papier d’un projet collaboratif en ligne ? Tous les articles vont-ils être relus, corrigés, vérifiés, contrôlés, sourcés avant publication, ou Wikipedia va-t-elle publier les articles tels quels avec les modifications successives de chaque internaute sans estampiller chaque article d’un tampon de vérification ? 

La version en ligne atteint déjà les limites de son principe puisque Wikipedia se refuse à nommer un comité d’experts prétextant que seul suffit le self contrôle de la communauté. Que dire alors d’une version imprimée, figée par nature ? Quel crédit lui accorder ?

Et puis une version papier perdrait aussi tout l’intérêt du web, à savoir les liens hypertexte permettant une navigation de page en page.

C’est finalement un peu comme si les journaux papier (qui pour certains ont tant de mal à constituer un modèle viable et original sur la toile) décidaient d’imprimer chaque jour (ou chaque semaine, ou chaque mois selon leur périodicité) le contenu de leur site web et de le vendre en kiosque. Vous me direz, l’actualité est bien plus vite obsolète qu’une encyclopédie, c’est vrai. Ceci dit, je ne vois pas vraiment l’intérêt d’une version papier du site web, si ce n’est pour Wikipedia d’essayer de ramasser au passage quelque ressource financière.

Et je pense notamment à la génération Y (la web génération), si on lui donne le choix, quelle version va-t-elle consulter en priorité : l’encyclopédie en ligne ou l’encyclopédie papier ? Déjà comme cela, je doute que dans les classes il y ait encore beaucoup d’éléves qui se ruent sur un dictionnaire ou une encyclopédie (Larousse, Britannica, Universalis, comme vous voulez) lorsque leur professeur leur demande de faire des recherches.

Alors quelle est la cible que vise Wikipedia ?

Et comment va-t-elle gérer les modifications apparues en ligne sur les articles déjà publiés ?

Va-t-elle rééditer chaque année une version papier ? …comme toute bonne vieille encyclopédie de nos parents et grands-parents ?

Une affaire à suivre…

En tout cas, pour le moment, seuls les Allemands auront droit à leur version papier. Les Français attendront.